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L'Ecole de danse, de Goldoni, à la Comédie-Française

Clément Hervieu-Léger monte à la Comédie-Française L'Ecole de danse, une pièce méconnue de Carlo Goldoni, dans toute sa subtilité. Sous le rire franc, une satire étonamment moderne de la fourberie humaine vaincue par l'amour triomphant.

14/11/2025
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3/1/2026
Comédie-Française
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Richelieu

L'Ecole de danse : Goldoni ou la satire de l'exploitation des plus faibles

  • Des apprentis-danseurs qui se libèrent du joug d'un maître de ballet tyrannique
  • Une satire étonamment moderne
  • Une mise en scène subtile qui fait luire les nuances du texte
  • Portrait de Carlo Goldoni, un regard vif et critique sur la société de son temps
À voir au théâtre : L'Ecole de danse, de Goldoni, à la Comédie-Françai
© Agathe Poupeney / Coll. Comédie Française

La ruse des élèves d'une école de danse aux mains d'un maître de ballet tyrannique et avide

Dans une école de danse à Florence, de jeunes élèves, filles et garçons, subissent la tyrannie du maître de ballet, Monsieur Rigadon. Ils souffrent de la faim et du froid et aspirent désespérément à l'émancipation. Les affaires de Rigadon vont mal et son autorité est régulièrement bafouée par ses élèves. Pour son salut, il attend l'arrivée de Don Fabrizio, un impresario. Rigadon espère lui « vendre » certaines de ses recrues à bon prix. Lors d'une folle journée, mensonges, amours secrètes et alliances de circonstances montrent l'ingéniosité des hommes pour tenter d'échapper au dénuement. Lucrezia, mère de Rosina sur la paille, espère tirer profit du talent de sa fille en la confiant au professeur et l'oblige à accepter des conditions d'engagement iniques à condition qu'elle-même soit entretenue. Le maître cherche aussi à abuser de la générosité financière du Comte Anselmo, soupirant de Giuseppina, qui manipule ses prétendants pour obtenir un mariage confortable. Quant au courtier Ridolfo, il fait semblant de s'éprendre de Madame Sciormand, la sœur de Rigadon, lorsqu'il apprend qu'une dot juteuse lui a été léguée par son oncle...

Une satire d'une étonnante modernité

L'œuvre de Goldoni, bien qu'écrite au XVIIIe siècle, résonne fortement avec nos préoccupations sociétales actuelles. Goldoni utilise la danse pour interroger l'organisation des relations sociales à travers l'observation d'un microcosme, à l'instar de ses autres pièces qui dépeignent les tisserands ou les pêcheurs. Ici, l'amour et l'art sont des leviers d'émancipation. La pièce met en lumière les mécanismes d'emprise et d'exploitation (la mère qui vit de sa fille), ainsi que l'action des agents et courtiers qui « font » les carrières. La quête d'indépendance et de reconnaissance habite tous les personnages. Goldoni dépeint des personnalités d'une liberté et d'une volonté remarquables. Ces femmes, y compris les jeunes élèves, envisagent le mariage non pas par candeur, mais comme une opportunité lucide d'exercer leur art ou de progresser socialement et trouver le confort. Avec la recherche - quasi nymphomaniaque -d'amour de Madame Sciormand, une femme d'un certain âge (formidable Florence Viala), Goldoni montre également que l'aspiration à la liberté et à l'amour n'est pas limitée à la jeunesse.

"Cette piece soulève les sujets brulants qui traversent notre métier : les rapports hommes-femmes, le statut d’égérie, […] la condition de l’artiste, ce qui fédere, le courage de la nouvelle génération pour s’engager dans des métiers souvent précaires." Clément Hervieu-Léger

Une mise en scène subtile qui fait luire les nuances du texte

Clément Hervieu-Léger a choisi de situer la pièce à la fin du XIXe siècle, avec chaussons, collants et tutus dans un décor aux tons bruns et crème des plus réussis. Cette esthétique n'est pas sans rappeler l'œuvre d'Edgar Degas qui capture le sublime et la misère, ainsi que les rapports de domination et d'asservissement des artistes à leurs riches mécènes. La scénographie d'Éric Ruf réutilise le décor du "Misanthrope" (présenté en alternance), dans un clin d'œil à la tradition des « décors à volonté ». La troupe de la Comédie-Française est, comme à son habitude, formidable de maîtrise, de fraîcheur et de spontanéité. On savoure une mise en scène qui sait modérer le rythme, alterner l'humour burlesque et la réflexion plus profonde, respecter les silences et mettre en valeur le texte dans une traduction modernisée. La troupe s'est aussi préparée soigneusement pour incarner la pratique de la danse, sous la direction chorégraphique de Muriel Zusperreguy, ancienne Première Danseuse à l'Opéra de Paris. Un pianiste sur scène, Philippe Cavagnat, renforce le réalisme des scènes de répétition.

Carlo Goldoni, le "Molière italien"

Le Vénitien Carlo Goldoni (1707-1793) a profondément renouvelé le théâtre de son temps en abandonnant les masques et les personnages figés de la commedia dell'arte au profit d’une écriture plus réaliste, dans une veine progressiste inspirée de la philosophie des Lumières. Ses œuvres, telles que La Locandiera, Arlequin serviteur de deux maîtres, Le Bourru bienfaisant ou Les Rustres, sont connues pour leur humour fin, leurs dialogues vifs et leur regard critique sur la société. Son théâtre innove en introduisant des personnages très humains qui incarnent la société de leur temps avec humour, mais aussi beaucoup de nuances. Créée en 1759, L’École de danse connut l’échec, deux représentations seulement qui laissèrent Goldoni amer. En 1762, il s’installe en France où il continue à écrire en français, marquant ainsi la scène théâtrale européenne de son empreinte.
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Clément Hervieu-Léger
mise en scène
Éric Ruf scénographie
Françoise Decroisette traduction

Avec Éric Génovèse, Florence Viala, Denis Podalydès, Clotilde de Bayser,Loïc Corbery, Stéphane Varupenne, Noam Morgensztern,Claire de La Rüe du Can, Pauline Clément, Jean Chevalier, Marie Oppert,Adrien Simion, Léa Lopez, Charlie Fabert, Diego Andres, Lila Pélissier, Alessandro Sanna et Philippe Cavagnat au piano

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14/11/2025
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3/1/2026
Comédie-Française
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Richelieu
Place Colette 75001 Paris
À 20 h 30, 14 h les 28/11, 20/12, 25/12 et 28/12 - Durée : 2 h sans entracte
Photos © Agathe Poupeney / Coll. Comédie Française
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