Superstructure, l'Algérie vue par sa jeunesse aux Amandiers
Dans une mise en scène virtuose d'Hubert Colas, 7 jeunes comédiens incarnent aux Amandiers de Nanterre des fragments de l'Hstoire récente de l'Algérie, de la guerre d'indépendance à nos jours, à travers le prisme d'une jeunesse aussi énergique que désabusée.
Superstructure, des moments fulgurants de l'Histoire de l'Algérie
- Une pièce de Sonia Chiambretto d'après son récit "Gratte-ciel"
- Des strates d'Histoire contemporaine de l'Algérie qui vibrent par le texte et l'image
- L'équipe artistique : des comédiens à fleur de peau
- Superstructure, une création d'Hubert Colas avec sa compagnie Diphtong

Superstructure, l'aboutissement théâtral de "Gratte-ciel" de Sonia Chiambretto
En 2020, Sonia Chiambretto publie "Gratte-ciel (Editions de l'Arche), le récit choral d'une jeunesse belle et volontaire étouffée par la violence des conflits, le poids de la religion ou l'oppression du régime. À partir de témoignages et de documents d’archives qu’elle a collectés, l’écrivaine et poétesse fait entendre leurs voix à trois périodes clés de l’histoire contemporaine de l’Algérie : la guerre d’indépendance (1957-1962), la décennie noire du terrorisme islamique (1991-2002) et le futur proche, celui d’une possible reconstruction. Mais le récit abolit toute logique chronologique, dans un saut fluide et intrigant entre les moments forts d'un passé douloureux. L'autrice a reconstitué des souvenirs à partir de ce qui lui a été transmis, en partie par sa famaille algérienne (son père est algérien). Superstructure est l'adaptation théâtrale de ce récit brut, lyrique et poignant qui fait vivre l'Histoire du pays comme l'aura vécue une jeunesse belle, joyeuse, énergique et traumatisée. Le titre de Superstructure vient d'un projet architectural du Corbusier, fort heureusement abandonné, qui imaginait en 1931 pour Alger une "cité radieuse" de 10 km de long couverte par une autoroute...
Des strates d'Histoire contemporaine puissamment évoqués par la langue et l'image
Pendant que le public s'installe dans les gradins, une scène surélevée précède la vidéo des flots en mouvement de la Méditerranée, comme sur le pont d'un paquebot qui s'avance vers la baie d'Alger à la lueur blanche éclatante. Chaque moment-clé de l'Histoire est souligné par l'image : les arbres des maquis du FLN, les façades blanches des quartiers populaires d'Alger couvertes de paraboles et de linge étendu aux balcons, les discothèques où la jeunesse dorée se retrouve dans la "zone privée d'Etat", cette banlieue très chic d'Alger, à l'accès strictement réservé, où résident généraux, ministres et autres oligarques. Le camouflage des combattants dans les bosquets est même rendu par des costumes végétaux filandreux, comme une caricature du renoncement à toute humanité que supposent les horreurs les plus insoutenables. Les larmes viennent aux yeux lorsqu'un extrait du film "La Bataille d'Alger", Lion d'Or à Venise en 1966 et 3 fois nommé aux Oscars. On y voit les modestes résidents de la Casbah d'Alger en prière devant la maison du militant FLN Ali-La Pointe avant qu'elle ne soit dynamitée, lui avec, par l'armée française.
"Dans ce livre, je me saisis d'une mémoire qu'on ne m'a pas transmise. J'ai cherché à traduire la violence et à la fois la beauté avec lesquelles toutes ces histoires me sont parvenues." Sonia Chiambretto
La rage de vivre des comédiens
La fulgurance des moments poignants de cette Histoire contemporaine est portée par sept comédiens impressionnants de simplicité, de grâce et d'énergie. Ils incarnent la jeunesse, la malice, l'esprit de révolte, le désir fou de liberté et d'un avenir meilleur. Avec beaucoup d'humour et une émotion contenue : la pièce n'est pas un réquisitoire, c'est un récit d'espoirs, de frustrations, de bouleversements. Ils sont aussi attachants que convaincants. Perle Palombe, qui incarne une jeune fille d'une famille aisée qui fréquente les milieux modestes, est aussi danseuse et cela se voit : fougueuse, irrévérencieuse, rebelle et pétillante. Sa diatribe contre la radicalisation religieuse qui asservit les femmes est un grand moment. Quant à Adil Mekki (Farid), son seul regard ténébreux et pénétrant suffit à véhiculer l'émotion vécue par un personnage pourtant désinvolte et facétieux.
Une mise en scène d'Hubert Colas et sa compagnie Diphtong
Hubert Colas, auteur, metteur en scène et scénographe, naît en 1957 à Chatou, en région parisienne. Il s'est formé au théâtre au Conservatoire national d'art dramatique de Paris et au Théâtre national de Chaillot. Parmi ses maîtres, il compte Antoine Vitez, Elisabeth Chailloux ou encore Claude Régy. Il a créé la compagnie Diphtong en 1988. Installée à Marseille depuis 1990, elle monte les textes de Colas (Temporairement épuisé, Nomades, La Brûlure, La Croix des oiseaux, Sans faim, Le Livre d’or de Jan, Texte M…) mais aussi des textes, souvent non théâtraux, d’auteurs contemporains tels que Christine Angot, Sonia Chiambretto, Martin Crimp, Rainald Goetz, Witold Gombrowicz, Sarah Kane, Annie Zadek…
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Sonia Chiambretto texte
Hubert Colas mise en scène et scénographie
Avec Anne Corté, Ahmed Fattat, Said Ghanem, Adil Mekki, Perle Palombe, Nastassja Tanner, Manuel Vallade
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