Lenio Kaklea - Les Oiseaux à Chaillot

Dans "Les Oiseaux", Lenio Kaklea construit un ballet organique de danseurs volatiles

Le spectacle est une traversée visuelle et sonore dans un univers mi-animal, mi-humain où le comportement des oiseaux devient symbole d'amour et de rivalités. Dès le début, la scène, éclairée d'un horizon abstrait rose et violet de fin d'été, révèle une silhouette dont les gestes lents, gracieux et ondulatoires évoquent le règne animal. Le mouvement des danseurs est à la fois maîtrisé et instinctif pour explorer les sensations fascinantes que peut procurer l'acte de voler. Le vocabulaire chorégraphique s’inspire clairement de la danse classique (avec des pas comme le jeté, le temps levé ou le saut de chat), mais il est exécuté à la manière postmoderne qui favorise l'ellipse minimaliste. Les interprètes forment une communauté émouvante qui danse souvent à l’unisson ou en légère discordance pour créer des « murmures collectifs », des duos furtifs, des vagues et des rituels. Leurs costumes étranges, faits de lycra brillant, de cuir lustré et parfois de plumes, s'associent aux maquillages élaborés et aux accessoires bariolés pour favoriser l'imaginaire.

Les thèmes : une métaphore des comportements humains

Les Oiseaux est une œuvre qui s’inscrit dans le tournant écologique amorcé par Lenio Kaklea depuis quelques années. Loin d’idéaliser les volatiles, la chorégraphe les observe et les utilise comme un prisme pour s'interroger sur les comportements humains. Les oiseaux représentent non seulement l’amour et la danse, mais aussi la rivalité et la lutte pour un territoire. La vision surplombante des rapaces sert de métaphore au contrôle et à la domination dans nos sociétés et nous fait réfléchir sur l'équilibre précaire entre liberté et asservissement. Sur le plan écologique, la pièce alerte sur la fragilité des écosystèmes et des espèces, qui risquent de disparaître à cause de l’activité humaine.

"La danse, l'exploration du mouvement, me semblait être une matière propice pour renverser notre vision." Lenio Kaklea

Une scénographie multimédia immersive, sonore et visuelle

L'impressionnant dispositif scénique repose sur un paysage sculpté par le son : le silence, un beat électronique discret et surtout des enregistrements de chants d'oiseaux collectés par le bioacousticien Thierry Aubin et le laboratoire de bioacoustique du CNRS. Visuellement, des images filmées et diffusées en direct, parfois capturées par un drone, proposent des gros plans et inversent la perspective : c'est l'oiseau qui semble observer l'humain et non l'inverse. Enfin, des textes courts, co-écrits avec le dramaturge Lou Forster, stimulent la réflexion sur notre rapport à l'environnement et aux utopies.

Portrait de Lenio Kaklea

Danseuse, chorégraphe et metteuse en scène, Lenio Kaklea est née à Athènes. Elle vit et travaille à Paris. Elle a été formée au Conservatoire national de danse contemporaine d’Athènes, où elle a étudié le ballet classique et les chorégraphes modernes américains comme Martha Graham, Merce Cunningham et Jose Limon. Après avoir reçu le Prix de la Fondation Pratsika en 2005, elle s'installe en France et complète son cursus au CNDC d’Angers sous la direction d'Emmanuelle Huynh. Elle acollaboré avec des chorégraphes européens reconnus (Boris Charmatz, François Chaignaud) et de grandes personnalités américaines comme Lucinda Childs, qui a créé un solo pour elle en 2013. Parmi ses pièces les plus connues, on compte le solo autobiographique Ballad (2019), Age of Crime (2021), et la pièce Αγρίμι (Fauve, 2023) qui construit son engagement écologique en abordant l'imaginaire des forêts.
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Lenio Kaklea conception, chorégraphie et mise en scène
Avec Nefeli Asteriou, Liza Baliasnaja, Amanda Barrio Charmelo, Luisa Heilbron, Louis Nam Le Van Ho, Dimitri Mytilinaios, Jaeger Wilkinson

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