Requiem(s) d'Angelin Preljocaj Prelocaj : les rituels des corps
(c) Didier Philispart
Spectacles expos

Requiem(s) d'Angelin Preljocaj : les rituels du corps

La nouvelle création d'Angelin Preljocaj puise dans la musique une inspiration dramatique d'ampleur, entre douleur de la perte et joie du souvenir.

23/5/2024
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6/6/2024
La Villette
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Grande Halle

Preljocaj explore les nuances de l'émotion qui naît de la perte d'un être cher

  • L'inspiration dramatique d'une grande palette de sources musicales
  • Des sentiments complexes : tristesse dévastatrice mais aussi joie du souvenir
  • Une pièce tribale qui brouille les frontières entre la mort et la vie
  • Angelin Preljocaj, l'un des plus grands chorégraphes français

Une inspiration musicale riche et captivante

Angelin Preljocaj travaille pour cette nouvelle création grand format sur une large palette de sources musicales. Il cite bien sûr les requiems les plus connus : Verdi, Mozart, Ligeti, Fauré. Mais l'inspiration musicale est beaucoup plus large dans un choc sonore qui envoûte le spectateur. On commence par du hard-rock tonitruant, puis on passe à des requiems et des chants liturgiques, du folklore islandais ou encore des compositions contemporaines. Le souvenir profite de l'émotion intime et de l'ampleur du cérémoniel.

Tristesse dévastatrice mais aussi joie du souvenir

Pour le chorégraphe, le décès d'un être cher n'est pas toujours uniquement triste et dévastateur, il y a presque des moments de joie, où l’on se remémore des souvenirs formidables avec la personne, qui nous régénèrent, nous revigorent. Il y a aussi l’idée de la vie elle-même, le miracle qu’est la vie, qui nous est donnée comme quelque chose d’extraordinaire. Les nuances d'émotion sont particulièrement abouties. Dans un tableau bouleversant, deux personnages habillés de noir à paillettes sont comme des clowns tristes qui pleurent un être cher dans leurs bras. Preljocaj évoque aussi les drames de la guerre et l'horreur du génocide dans une séquence poignante où la voix off du philosophe Gilles Deleuze parle de " la honte d'être un homme " quand ce dernier est capable des pires horreurs. Là, les danseurs sont anéantis, effondrés.

" Avec cette pièce, je voudrais évoquer les sentiments complexes que l’on ressent à la perte d’un être cher. " Angelin Preljocaj

Une pièce tribale qui brouille les frontières entre la mort et vie

La nouvelle création de Preljocaj mobilise une vingtaine de danseurs et danseuses pour une chorégraphie ample et tribale. La pièce est une succession de tableaux sophistiqués, parfois épurés, parfois très chargés de symboles grâce à une scénographie et des costumes très élaborés. Les moments d'épure, où le mouvement se pose dans une subtilité bouleversante, sont magnifiques. La symbolique des couleurs, affirmée au début, devient plus mystérieuse dans la suite du spectacle, comme si le noir de la mort devenait progressivement plus joyeux et porteur d'espoir pour faire renaître la vie. Dans une séquence brillante, la mort encagoulée semble ré-éduquer les défunts à la vie, comme une thérapeute de l'au-delà. Preljocaj cite là-encore Deleuze qui affirme : " la base de l'art est de libérer la vie que l'Homme a emprisonné. "

Angelin Preljocaj

Le célèbre chorégraphe aime multiplier ses sources d'inspiration, de la peinture à la littérature en passant par la politique ou la religion. Son travail cherche à interroger constamment le mouvement et le corps. Il accorde une importance particulière à la musique, si bien qu'il collabore régulièrement avec des compositeurs lors de la création de ses pièces. Les créations d'Angelin Preljocaj associent habilement le ballet classique à d'autres arts qui viennent en renforcer la richesse. Le chorégraphe a reçu de nombreuses récompenses au cours de sa carrière comme un Globe de Cristal pour Blanche Neige en 2009 ou le Grand Prix National de la danse décerné par le Ministère de la Culture en 1992. Parmi ses pièces les plus acclamées, Roméo et Juliette (1990), Le Parc (1994), La Fresque (2017) et Gravité (2022).

La Villette
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Grande Halle
211 avenue Jean Jaurès 75019 Paris
Du mardi au vendredi à 20 h, samedi à 18 h, dimanche à 16 h, le 5 juin à 21 h - Durée : 1 h 30
Photos Didier Philispart
Auteur
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