Valentina, de Caroline Guiela Nguyen
Au Théâtre de la Ville - Abbesses, Caroline Guiela Nguyen magnifie le personnage de Valentina, une enfant de 9 ans qui devient traductrice pour les médecins de sa mère. Une jeune actrice épatante malgré la faiblesse de l'intrigue.
Valentina de Caroline Guiela Nguyen au Théâtre de la Ville
- Valentina, interprète à neuf dans le milieu médical
- Les barrières de la langue pour des patients désemparés
- Une lourde responsabilité, des mensonges en cadence
- Une panne d'inspiration ? Pas le meilleur opus de la metteuse en scène
- Caroline Guiela Nguyen, le théâtre du réel

Valentina, interprète à neuf ans et mensongère créative
La pièce raconte l'histoire d'une fillette de neuf ans, Valentina, qui vit en France avec sa mère roumaine qui ne parle pas français. La mère souffre d'une arythmie cardiaque qui provoque une fibrose grave du cœur : seule une greffe pourra la sauver. Valentina doit traduire des termes médicaux complexes et accompagner sa mère dans la lutte contre la maladie. Ce moment marque le début d'un parcours où l'enfant devient l'interprète de sa mère, entre l'hôpital et l'école, entre la Roumanie et la France. La mère et sa fille ont décidé de garder secrète la maladie. La petite fille doit sans cesse recourir aux mensonges les plus farfelus pour justifier ses absences à l'école et refuser les rencontres exigées par la Directrice de l'école avec sa mère.
Le rôle de l'interprète et les barrières de la langue
La pièce explore la complexité du rôle de l'interprète, qui est à la fois "au centre du discours" et doit "se faire disparaître". Elle met en évidence les difficultés rencontrées par les personnes ne maîtrisant pas le français (patients allophones) dans l'accès aux soins. En l'absence de personnel qualifié, le recours aux enfants comme interprètes est un phénomène que l'équipe artistique a étudié, notamment grâce à son travail avec l'association Migrations Santé Alsace. La pièce aborde le droit fondamental à se faire soigner avec dignité, même lorsque l'on est éloigné de son pays et que l'on ne parle pas la langue locale. Elle dénonce les difficultés, voire la maltraitance, que peuvent rencontrer les patients allophones face à un personnel médical parfois intransigeant. À l'heure où l'intelligence artificielle eprmet des traductions immédiates de vocabulaire complexe, on peut espérer une évolution positive...
"J'ai besoin d'apporter sur scène des histoires du quotidien." Caroline Guiela Nguyen à Radio France
Une lourde responsabilité, des mensonges en cascade
Valentina met en lumière la lourde responsabilité assumée par les enfants issus de populations exilées. La petite fille de neuf ans se retrouve ainsi à traduire des termes médicaux complexes pour sa mère, et se retrouve immergée dans des problèmes graves normalement réservés aux adultes. La relation mère-fille est au cœur de la pièce : l'amour filial conduit à des dilemmes de vie troublants et lumineux, notamment lorsque Valentina va mentir pour protéger sa mère.
Pas le meilleur opus de Caroline Guiela Nguyen
Angelina Iancu est formidable dans le rôle de Valentina : authentique, malicieuse, espiègle et touchante, c'est une révélation. Pour le reste, la pièce marque une panne d'inspiration de Caroline Guiela Nguyen qui nous avait habitués à des sagas flamboyantes et profondément émouvantes. Ici, l'intrigue est faible, voire tirée par les cheveux, car uniquement fondée sur la volonté incompréhensible de dissimuler la maladie de la mère. Pourquoi ? On ne sait pas. L'interprétation du médecin et de la Directrice d'école tombent dans la caricature, le caméraman sur scène est à la longue agaçant et l'humour est un peu facile et répétitif. C'est sans doute la raison de la durée relativement courte de la pièce (1 h 20) : une faille d'écriture.
Caroline Guiela Nguyen, le théâtre du réel
Née en 1981 à Poissy, Caroline Guiela Nguyen est autrice, metteuse en scène et directrice de la compagnie Les Hommes Approximatifs. Diplômée de l'École supérieure d'art dramatique de Strasbourg, elle s'est fait connaître avec des pièces comme Saïgon (2017), Fraternité, conte fantastique (2021) et Lacrima (2024). Son travail mêle théâtre, documentaire et témoignages, avec une attention particulière aux récits intimes de héros du quotidien. Son style ne craint pas le mélodrame et les sentiments à fleur de peau. Depuis 2023, elle dirige le Théâtre national de Strasbourg.
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Caroline Guiela Nguyen texte et mise en scène
Avec Chloé Catrin, Loredana Iancu, Marius Stoian, Paul Guta, Angelina Iancu et Cara Parvu (en alternance)
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