Berthe Weill, galeriste d'avant-garde au Musée de l'Orangerie
Décidée, visionnaire, intuitive : Berthe Weill a su, tout au long de sa vie, repérer et appuyer les plus grands talents de l'avant-garde, de Picasso à Modigliani en passant par Suzanne Valadon. L'exposition du Musée de l'Orangerie présente une sublime sélection des œuvres qu'elle à défendues.
Exposition Berthe Weill, une vie dédiée à l'avant-garde artistique
- La vie de Berthe Weill : d'un apprentissage précoce à une carrière de marchande d'art
- Comment Berthe Weill a fait émerger des talents parmi les plus célèbres de l'art moderne
- Les combats d'une femme audacieuse, résiliente et décidée

Berthe Weill (1865-1951) : une vie de galeriste
Berthe Weill naît à Paris en 1865 dans une famille juive modeste d’origine alsacienne. Très jeune, elle est placée en apprentissage auprès de Salvator Mayer, un marchand d’estampes renommé. Elle acquiert une parfaite connaissance du commerce des œuvres d’art et rencontre collectionneurs et grandes figures de la scène artistique parisienne. Après le décès de Mayer en 1897, elle s'associe à un de ses frères pour ouvrir une boutique d’antiquités et d’objets d’art au 25 rue Victor-Massé, Paris 9e, un lieu stratégique dans le quartier de Pigalle, en bas de Montmartre, alors épicentre de la vie nocturne et artistique. En 1901, elle transforme cette boutique en la " Galerie B. Weill". Le prénom est omis, probablement pour minimiser le fait qu'elle soit une femme marchande dans un secteur alors très masculin. Confrontée à des difficultés économiques et sans ressources financières importantes, elle diversifie ses activités : exposition de caricaturistes, vente de livres et gravures. En 1933, elle devient la première marchande d’art à publier ses mémoires sous le titre "Pan! dans l’œil…". En 1940, avec la persécution des Juifs pendant la guerre, elle doit fermer sa galerie rue Saint-Dominique. Sous l'Occupation, elle se réfugie chez une de ses artistes-phares pour échapper à la déportation. Après la guerre, elle doit redémarrer sa vie dans un grand dénuement, si bien qu'une vente aux enchères est organisée pour la renflouer. Elle est nommée Chevalier de la Légion d'Honneur en 1948 et fait l'objet d'une exposition, "Hommage à Berthe Weill", en présence de nombreux artistes qu'elle a appuyés. En 1951, à sa disparition, Berthe Weill avait défendu plus de trois cents artistes et organisé des centaines d’expositions.
Comment Berthe Weill a fait émerger de nouveaux talents
Toute sa vie, Berthe Weill s'est attachée à révéler et à faire progresser la carrière de talents encore inconnus plutôt que de miser sur des figures déjà établies. Elle a ainsi acquis une notoriété de "découvreuse" en repérant les talents émergents, notamment lors des Salons, et en les encourageant à exposer dans sa galerie. Son flair et son instinct ont guidé ses choix, au-delà de tout dogme artistique. Elle a joué un rôle déterminant dans l'essor des avant-gardes de la première moitié du XXe siècle. Dès 1901, elle repère Pablo Picasso, tout juste arrivé de Barcelone. Elle lui achète des œuvres et concrétise une quinzaine de ventes avant même l'exposition Picasso chez Ambroise Vollard l’année suivante. Elle vend sa toile "Le Moulin de la Galette" à un prix important pour un si jeune artiste. Elle contribue à la reconnaissance du Fauvisme en exposant des peintres comme Vlaminck, Derain, Dufy et Marquet dès 1902, bien avant le scandale du Salon d’automne de 1905. Elle s'engage dans la promotion du Cubisme avec des artistes comme Jean Metzinger, Alfréd Réth et Albert Gleizes. En 1917, elle organise l'unique exposition monographique d'Amadeo Modigliani de son vivant. L'exposition fait scandale et subit la censure policière en raison de la présence de quatre nus emblématiques qui montrent des poils pubiens. Elle appuie longuement Suzanne Valadon.Vers la fin des années 1930, elle s'oriente vers l'abstraction avec des artistes comme Otto Freundlich.
"Cette vie, je me la suis faite ainsi parce que je l'aime ainsi ; j'y ai trouvé des déceptions, mais aussi bien des joies et je dois m'estimer heureuse." Berthe Weill
Les combats d'une femme audacieuse, résiliente et décidée
Avec audace, persévérance et inventivité, Berthe Weill se faisait le porte-voix des artistes qu'elle défendait. Sa carrière témoigne de son courage face au sexisme, à l'antisémitisme et aux difficultés économiques. Dans un esprit d'ouverture inégalé, elle donna de la visibilité à des talents venus du monde entier (Europe, Empire russe, États-Unis) qui cherchaient à échapper aux discriminations. De Modigliani, elle admirait les "nus somptueux, figures anguleuses, portraits savoureux". Malgré des ressources financières bien inférieures à celles de marchands concurrents plus fortunés, elle acheta à titre personnel cinq tableaux du maître après son exposition commercialement ratée de 1917, pour le soutenir. Exposition après exposition, elle s'est heurtée aux défenseurs d'un "bon goût français" aux accents souvent xénophobes et antisémites. Dès la fin du XIXe siècle, elle avait fait preuve d'un grand courage en prenant position dans l'Affaire Dreyfus, exposant dans sa vitrine des volumes et dessins originaux en faveur d’Alfred Dreyfus et d’Émile Zola. Son attention aux jeunes artistes ne faillit jamais, quelles que soient les vicissitudes.
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Pablo Picasso - La Chambre bleue (1901) The Philips Collection, Washington D.C.
Maurice de Vlaminck - Le Restaurant de la Machine à Bougival (1905) Musée d'Orsay, Paris
Albert Gleizes - Le Port - Marseille (1912) Art Gallery of Ontario, Toronto
Amadeo Modigliani - Nu au collier de corail (1917) Allen Memorial Art Museum, Oberlin
