François-Xavier Gbré - Radio Ballast à la Fondation Henri Cartier-Bresson

François-Xavier Gbré explore les paysages et l'architecture comme témoins de l'Histoire

Né à Lille en 1978, François-Xavier Gbré partage aujourd'hui sa vie et son travail entre Abidjan et La Rochelle. Son travail approfondit l'étude des "traces" : il explore depuis une quinzaine d'années les empreintes de l'activité humaine dans le paysage et l'architecture du continent africain. L'œuvre de Gbré est profondément en prise avec le temps et la géographie pour refléter les changements sociaux. L'artiste explore les territoires et revisite l’Histoire en étudiant les vestiges coloniaux, les paysages remodelés, les évolutions des styles d'architecture. Dans ce dialogue constant avec son environnement, il varie les échelles et les modes d'exposition. Il peut travailler sur des installations minutieuses issues d’une véritable investigation ou utiliser l’architecture elle-même pour créer un rapport physique entre la photographie et l'espace public ou le spectateur. Le travail de Gbré a été exposé dans plusieurs biennales comme celles de Dakar et de Venise. Ses œuvres figurent dans des collections prestigieuses, notamment au Centre Pompidou (Paris), à la Tate Modern (Londres), au Museum of Modern Art (New York), et au Smithsonian (Washington). En 2020, il a été lauréat du Prix Découverte Louis Roederer. Il est également le premier lauréat du programme Latitudes de la Fondation d’entreprise Hermès en 2024.

Une voie de chemin de fer désaffectée entre passé et présent

Alors qu'il vivait au Mali dans les années 2000, François-Xavier Gbré commença à s'intéresser à une voie ferrée désaffectée qui traverse l'Afrique de l'Ouest du Nord au Sud, en passant par la Côte d'Ivoire. Cette route ferroviaire avait été construite par l'administration coloniale française pour acheminer les ressources naturelles exploitées en Afrique vers le port d'Abidjan avant leur expédition vers la métropole. Cet itinéraire s'est transformé pour l'artiste en "parcours imposé de répertoire transcontinental" qui ravive des strates de mémoire : la période coloniale, les indépendances et l'affirmation nationaliste à travers l'innovation architecturale (le modernisme tropical), le paysage contemporain. L'exposition est structurée en trois sections : Indices, des petits formats qui composent une mosaïque murale de souvenirs ; Symboles, de grands tirages qui interpellent sur les signes d'abandon ; et Fresque, un collage photographique à partir d'archives d'époque sur tout un mur de la Fondation, des années 20-30 à nos jours.

La qualité stupéfiante des clichés et des tirages ajoute à la puissance méditative de cette exploration du temps qui passe.

Radio Ballast, la rumeur qui enfle depuis les rails

Le titre même, Radio Ballast, est une métaphore puissante. Radio fait référence à l'appareil de transmission d'informations, tandis que ballast désigne le lit de rocailles sur lequel reposent les rails. Dans le jargon ferroviaire, l ’expression « ballast » évoque des rumeurs d’origine inconnue, un mélange de nouvelles infondées, de ragots et de présupposés qui construit des discours entremêlés et parfois contradictoires. L'ancêtre de nos fake news ! Gbré explore l'idée qu'il est plus simple de croire que ces rumeurs émanent du rail lui-même. En élargissant cette notion, l'artiste suggère que l'Histoire elle-même est comparable à une rumeur, complexe, diverse, diffractée et entremêlée. Le projet de Gbré vise précisément à proposer des formes de synthèse pour cette histoire complexe. Dans les clichés à l'impact saisissant, on peut voir des ponts rouillés envahis par la végétation (Rubino #2), des infrastructures ferroviaires fantomatiques au milieu du paysage naturel (Rubino #1), des vues de gares abandonnées ou de matériaux hors d'usage (wagons, traverses empilées) ou encore des exemples d'architecture industrielle à la beauté mystérieuse.

Le Prix Latitudes de la Fondation d'entreprise Hermès

Lancé en 2004, le programme Latitudes de la Fondation d’entreprise Hermès a été conçu en partenariat avec la Fondation Henri Cartier-Bresson (HCB) à Paris et l’International Center of Photography (ICP) à New York. Le programme a pour mission de mettre en avant des artistes issus de pays encore peu visibles à l’international. Les trois institutions partenaires choisissent un pays, et des photographes invités par le parrain de l'édition soumettent un projet. Le lauréat bénéficie d’une bourse pour réaliser une série inédite. Cette série est d’abord exposée à la Fondation Henri Cartier-Bresson à Paris, puis à l’ICP à New York, et enfin dans le pays choisi pour l'édition. En 2024, la Côte d’Ivoire est le premier pays mis à l’honneur pour un cycle d'une durée de deux ans. François-Xavier Gbré est le premier lauréat de ce nouveau programme.

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