Jean-Baptiste Greuze au Petit Palais
Rarement un peintre n'a autant abordé le thème de l'enfance et de la famille : l'exposition du Petit Palais montre le génie de Jean-Baptiste Greuze pour explorer, avec audace et délicatesse, l'intimité familiale dans toute sa complexité, entre douceur et violence dramatique.
Jean-Baptiste Greuze, l'enfance en lumière au Petit Palais
- Le peintre audacieux d'une vie familiale complexe
- L'enfance, un thème central dans l'œuvre de Greuze
- Le parcours de l'exposition : de l'intime familial aux enjeux de société

Jean-Baptiste Greuze, peintre d'une vie familiale complexe
Jean-Baptiste Greuze (1725-1805) est un peintre majeur du XVIIIe siècle. Doté d'un caractère bien trempé, il n'hésitait pas à défier l'autorité académique avec une peinture libre et audacieuse qui lui valut un grand succès avant de tomber dans l'oubli sur la fin de sa vie. Il est surtout connu pour l'exploration de la vie familiale et domestique, qu'il représente comme un théâtre complexe où l'harmonie et la délicatesse des compositions vont de pair avec la violence physique et psychologique qui peut déborder du cadre domestique. Ses tableaux célèbres, tels que "La Remise de la dot au fiancé", "La Lecture de la Bible" ou "Le Gâteau des rois", mettent en scène des relations familiales parfois tendues où l'on peut voir un père avare face à un fils maudit, ou une mère sévère opposée à son enfant chéri. Greuze prit part activement aux débats intellectuels de son époque, nourri par les idées des philosophes comme Rousseau, Condorcet et Diderot, avec une réflexion sur l'éducation et la responsabilité parentale, le basculement dans l’âge adulte et la perte de l’innocence. Admis à l'Académie royale de peinture en 1756, il mit treize ans à fournir son œuvre de réception, une composition historique radicalement différente des scènes intimes qui avaient fait sa renommée : "Septime Sévère reprochant à son fils Caracalla d’avoir voulu l’assassiner". Avec un aplomb inouï, il refusa de faire le portrait de la Dauphine, la belle-fille du Roi, considérant qu'il n'avait pas l'habitude de peindre des "visages plâtrés"... Après une carrière à succès, Greuze finit sa vie pauvre et divorcé de sa femme, entouré de ses deux filles.
L'enfance, un thème central dans l'œuvre de Greuze
L'exposition met en lumière l'œuvre de Greuze à travers le prisme de l'enfance, un thème central qui lui permettait de prendre part aux débats sociaux et politiques fondamentaux du XVIIIe siècle. Rarement peintre n’a autant représenté les enfants que Greuze : candides ou méchants, espiègles ou boudeurs, amoureux ou cruels, concentrés ou songeurs, ballotés dans le monde des adultes, aimés, ignorés, punis, embrassés ou abandonnés. Mais l'art de Greuze ne se limite pas à la représentation idéalisée de l'enfance qu'il montre aussi confrontée à la cruauté ou la mesquinerie. L'artiste illustre également, de manière radicale, la tragédie de la mort et la perte de l'innocence, avec une mélancolie qui fait de l'enfance un refuge désiré par les adultes. En peignant l'enfance et la famille, il questionne aussi des sujets fondamentaux comme l'éducation et le rôle des parents. Selon Greuze, en homme des Lumières sensible à la pensée des philosophes, c’est avec l’enfant que se joue l’avènement d’une société nouvelle fondée sur la connaissance, le savoir et la culture.
"L'enfance a des manières de voir, de penser, de sentir qui lui sont propres." Jean-Jacques Rousseau, Émile ou de l'éducation
Le parcours de l'exposition Greuze au Petit Palais
L'exposition démarre par la propre famille de l'artiste qui peignit avec tendresse et délicatesse son épouse Anne Gabrielle Babuty, son beau-père François-Joachim Babuty, un riche libraire de la rue Saint-Jacques, ou encore ses filles Anne-Geneviève (dite Caroline) et Louise-Gabrielle. Il se fait une spécialité des portraits d'enfants, dont il sait restituer la diversité des émotions : de la douce rêverie à la malice, de la mélancolie à l’infinie tristesse. La responsabilité parentale, l'éducation ou l'allaitement maternel sont des thèmes abordés dans la suite du parcours qui présente des figures de mère, de père ou de nourrice. L'enfance permet à Greuze d'aborder plus généralement le thème de la famille, avec empathie, parfois avec humour, souvent avec un esprit critique qui montre un univers intime aussi doux que troublé, voire violent. L'œuvre de Greuze fait l'objet d'une large diffusion sous forme de gravures, grâce aussi à l'intelligence commerciale de son épouse qui gère ce business florissant. Mais c'est autour de l’image du père que le peintre réalise ses compositions les plus ambitieuses, les plus théâtrales, les plus tragiques aussi. Le père, fût-il la figure de l’autorité au XVIIIe siècle, est souvent chez Greuze affaibli, malade, alité, voire défunt. Le peintre invite à méditer le rôle du père dans l’harmonie de la famille, mais aussi sa responsabilité dans ses déséquilibres, voire dans son anéantissement. L'exposition s'achève sur des représentations de jeunes filles particulièrement virtuoses. Le peintre interroge le basculement dans l'âge adulte, le temps de l’innocence, l’éveil à l’amour, mais aussi le danger des prédateurs et séducteurs.
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Petit Garçon blond à la chemise ouverte (vers 1760) Musée Cognacq-Jay, Paris
Le Petit Paresseux (1755) Musée Fabre, Montpellier
Le Fils ingrat (1777 - détail) Musée du Louvre, Paris
La Cruche cassée (1771-72) Musée du Louvre, Paris
